Dernière édition le : mars 2nd, 2019.
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Professionnalisation des formations

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Jeudi 31 janvier 2019, François Germinet (président de l’université Cergy-Pontoise) et Rodolphe Dalle (IUT Nantes) présentaient leur restitution de la concertation sociale relative à la Professionnalisation du premier cycle post-bac, en présence de la Ministre.

La première partie de leur rapport consiste en une synthèse des échanges avec des extraits de verbatims des discussions, la seconde propose une analyse et des préconisations. On sait que la concertation a été complexe, les avis divergents et que le travail sur cette question mérite d’être approfondi, car certaines des préconisations présentées sont loin de faire l’unanimité.

SUP’Recherche UNSA a toujours été favorable à la professionnalisation des formations, quelles qu’elles soient. Celle-ci doit se décliner en fonction du projet de l’étudiant et du moment de l’insertion professionnelle dans le cursus.

Le rapport devrait nous être communiqué dans les prochains jours, nous pourrons alors en faire une analyse plus serrée. Toutefois, la présentation orale qui nous en a été faite nous conduit à poser quelques remarques et questions. Une première remarque : le rapport préconise d’organiser l’enseignement supérieur en deux grandes voies professionnelles versus générale et technologique. Pour nous la professionnalisation doit intervenir dans les deux voies avec des spécificités propres. Il faut donc penser une professionnalisation pour chaque cursus et pas en opposer formation professionnelle et formation générale/technologique.

Les questions :

  • En quoi ce qui est proposé permettra-t-il d’échapper à de vieux démons comme la hiérarchisation des voies entre la voie professionnelle / générale & technologique ?
  • Il a été mentionné que les étudiants recherchent une sécurisation des parcours en s’inscrivant dans des filières courtes et sélectives avec diplomation intermédiaire alors qu’ils pourraient aller en filière générale, en quoi les préconisations vont-elles empêcher cela surtout si le DUT devient, du fait des 180 ECT, une forme de licence ?
  • Le DUT en 180 ECTS permettra-t-il aux IUT de renouer avec leur finalité initiale (intégration dans le monde du travail) ?
  • ne risque-t-on pas de faire de la voie pro une voie de relégation ?

La question maintenant est de savoir comment cela se mettra en œuvre, quels moyens que l’on pourra déployer pour cette réforme le diable se cachera dans les détails.


Depuis lors nous avons reçu ce rapport qui est au final assez vide, les 26 premières pages n’apportent pas grand-chose si ce n’est des « propos piqués “Sur le vif” » qui n’engagent que ceux qui les ont prononcés comme « Nous avons un vieux système qui a dérivé » ou encore « Les métiers évoluent. Les formations doivent s’assurer que les diplômés sauront s’adapter et évoluer au sein de l’entreprise » … nos représentants à ces réunions ont le sentiment d’avoir été manipulés et que le but de cette concertation est d’imposer le DUT en 180 ECTS comme solution à la professionnalisation.

Les postulats qui sous-tendent la réflexion sont très discutables. Pour les auteurs du rapport, la voie professionnelle doit mettre en oeuvre une ” une pédagogie guidée par l’apprentissage des gestes professionnels ” (p.32) alors que le programme des voies générales et technologiques est basé ” sur l’acquisition de concepts fondamentaux “, le professionnel ne conceptualiserait donc pas ? Par ailleurs il précisent que la démarche pédagogique de ces deux voies est “basée sur l’application pour dégager le concept en filière technologique et directement sur le concept en filière générale” comme si on accédait directement aux concepts ?

Au début du siècle dernier, des philosophes comme Husserl et Merleau-Ponty expliquaient combien l’expérience était importante pour l’acquisition de connaissances. Plus récemment les travaux de recherche sur la cognition notamment la cognition incarnée (embodied cognition) montrent que la construction des concepts procède des interactions du sujet dans sa corporéité avec son environnement. Pour finir, nous évoquerons Varela pour qui «  le cerveau existe dans un corps, le corps existe dans le monde, et l’organisme bouge, agit, se reproduit, rêve, imagine. Et c’est de cette activité permanente qu’émerge le sens du monde et des choses » dans (in Kempf, 1998 : 109).
Hervé KEMPF, « Entretien avec Francisco Varela », La Recherche, 308, avril 1998, pp. 109-112.