Dernière édition le : janvier 2nd, 2024.
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La réforme des statuts aura-t-elle lieu ?

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Le Président Emmanuel Macron a reçu chercheurs, représentants d’établissements supérieurs, instituts de recherche, institutionnels et chefs d’entreprises, pour présenter sa vision pour l’avenir de la recherche française, le jeudi 7 décembre à l’Élysée. Nous vous proposons un premier décryptage de quelques points-clé de cette longue allocution.

Nous proposons d’analyser le passage1 où le président de la république aborde la réforme des statuts. Il commence (2:07:402) en rappelant que pour lui la logique de site qui se joue au niveau des universités avec « un pilotage local des équipes (…) [qui] permet d’avoir une vraie efficacité ». Il propose « d’avancer sans tabou » et que « les universités fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la ressource humaine, qui sont sur leur site avec une vraie logique de délégation de cette fonction ». Interrompant le fil du discours, il passe de l’argumentation à l’anecdote : « j’ai un mot // la ministre m’a interdit de prononcer le mot de statut ». Après une pause de plus de 2 secondes vient une séquence lors de laquelle le président, il raconte ce qui se passe au Conseil présidentiel et enfin il revient à son propos : « vraiment elle m’a dit si vous dites que vous allez changer le statut d’abord, j’ai dit dans la mission de Monsieur Gillet qu’on n’allait pas le faire voilà ça va être tout de suite la bronca tout le monde va se mettre en travers on n’arrivera à rien faire » à nouveau pause puis : « donc j’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts ». Si l’on s’en tient à ce qui est dit, le Président de la République ne réformera pas les statuts ou en tous cas il ne l’a pas dit.

Il est précisé que “Seul le prononcé fait foi” dans les transcriptions des discours officiels, toutefois les éléments coverbaux laissent entendre un tout autre discours : les gestes du locuteur qui posent les statuts dans l’espace par un geste des deux mains (capture n°1) et les écartent (capture n°2) montrent bien que c’est là l’objet du discours. La longue pause qui suit « la ministre m’a interdit … » qui permet à celles et ceux qui sont acquis à la cause de rire de ce propos instaure un partage de cet objet discursif renforcé par un regard (capture n°3) qui manifeste l’intérêt que suscite chez lui cette réaction.

Après une argumentation par l’exemple, cette séquence se termine par une exhorte « diable les statuts ne sont pas des protections aujourd’hui, ce sont devenus des éléments de complexité / donc moi je vous invite très sincèrement / vous êtes beaucoup plus intelligents que moi tous dans cette salle / à les changer vous-mêmes ». De nouveau une pause permet d’obtenir un assentiment qui s’exprime par des rires (capture ci contre) à quoi il ajoute « c’est ce qu’il y a de mieux à faire ».

La dénégation laisse entendre qu’il n’y aura pas de réforme des statuts mais le non-verbal montre bien que la question est quand même au cœur du débat : « Il dit non avec la tête, mais il dit oui avec le cœur » et peu lui importe de susciter « une bronca ». La question des statuts est bien au centre du « pilotage local des équipes ».

Le dialogue social ne peut pas se faire sur des non-dits ou des dénégations, de l’implicite, et de la connivence avec un public qui voit un intérêt à ce que ce cryptoagenda se réalise. Nous attendons une éthique minimale du dialogue qui nécessite la sincérité.

Ainsi ce discours aux concepts souvent creux nous gêne, surtout par le fait que le Président de la République, dit une chose en laissant entendre le contraire, qu’il se met au-dessus de la mêlée des défenseurs des statuts et de celles et ceux à qui il demande de les changer. Il est alors facile au moment qu’il juge opportun en « maître des horloges », de sonner la fin du match.

Sup’Recherche-UNSA :

  • demande que le Président de la République explicite ses intentions ;
  • rappelle que les organisations syndicales sont les partenaires sociaux de l’Etat-employeur qui doivent être consultés ;
  • s’oppose à la remise en cause l’existence d’un statut national pour les fonctionnaires d’État de l’ESR.

Nous expliquerons dans le prochain décryptage que les statuts ont une raison d’être et ne sont pas “une stupidité du système » .

1 Nous renvoyons au discours disponible en ligne ici : https://www.youtube.com/watch?v=A0qPHvZJW4Q&t=7890s [consulté le 11/12/23]

2 En 2021, 33,6 % des personnels enseignants des établissements d’enseignement supérieur sont des personnels contractuels. Ils ne sont pas tous sur des contrats d’enseignant-chercheur contractuel, mais ce pourcentage doit interroger.