Déclaration à propos du vote sur la répartition des crédits pré-notifiés du PLF 2023 entre les opérateurs du P150
CNESER du 15 novembre 2022
« Que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite », le gouvernement pourrait « en même temps », renforcer la recherche française avec la loi de programmation de la recherche et, « en même temps », maintenir l’investissement moyen par étudiant, or ce n’est pas le cas.
Dès la mise en place de la LPR, nous avons alerté le gouvernement sur les besoins dans ce second domaine en demandant, lors du passage de la LPR devant le Conseil supérieur de la fonction Publique en 2020, une loi de programmation pour les missions d’enseignement et de formation des établissements d’enseignement supérieurs publics. Nous réitérons cette demande.
Nous ne demandons pas au Président de la République de rattraper ce que ses prédécesseurs n’ont pas fait, mais simplement, d’ici 2027, de rétablir l’investissement par étudiant à la hauteur de ce qu’il était en 2016, début du premier quinquennat. Ainsi, il laissera l’enseignement supérieur public dans l’état où il l’a trouvé en accédant au pouvoir.
Le retard de financement accumulé depuis 2016 nous estimons qu’il est de l’ordre de 5 Md€. En effet depuis lors le nombre d’étudiants a augmenté sans que jamais cette variable paramétrique ne soit prise en compte par une augmentation des budgets. La doctrine étant de compenser les coûts marginaux de la création de places dans l’ESR. Quand l’augmentation du nombre d’étudiants correspond à une dizaine d’universités de taille moyenne, les coûts cessent d’être marginaux !
Faisant face à cet afflux, et en responsabilité, les collègues ont accepté de faire toujours plus d’heures complémentaires. Les établissements ont recruté toujours plus de vacataires, au point que dans certains premiers cycle il n’y a qu’un ou deux enseignants-chercheurs qui assurent les enseignements. Cela met à mal ce qui est au cœur de la formation universitaire : l’ancrage sur la recherche.
Aujourd’hui, les enseignants-chercheurs assurent en moyenne 64 heures complémentaires. Cela conduit à une perte non négligeable en termes de potentiel de recherche pour les universités : perte sèche d’un potentiel équivalent à 18 000 enseignants-chercheurs.
Ce que la main droite a donné par le truchement de la LPR est donc repris par la main gauche qui ne donne pas suffisamment de moyens pour les missions d’enseignement. Cela fragilise les établissements d’enseignement supérieur public, mais encore va à l’encontre de la LPR dont la portée est ainsi affaiblie.
Ce budget 2023 est dans la continuité des précédents, mais ce n’est pas sur ce point que nous sommes questionnés. Le CNESER a à se prononcer sur la répartition des crédits (insuffisants) pour charge de service public. Nous avons déjà ici même rappelé que nous ne demandons qu’une application de la loi : la subvention pour charge de service public doit être corrélée aux charges de fonctionnement des établissements.
Les documents qui nous ont été transmis ne nous permettent pas de juger du bien fondé de la répartition qui nous est présentée à travers un tableau d’une dizaine de colonnes concernant 172 établissements. La note de présentation n’est guère éclairante pour la décision que nous devons exprimer dans notre vote. Elle présente le budget 2023, mais ce qui a prévalu à la répartition des crédits pré-notifiés du PLF 2023 entre les opérateurs du P150 n’est pas explicité.
Nous avons comparé les dotations en masse salariale prénotifées pour 2022 et 2023, peut-on nous expliquer que tel établissement qui par ailleurs dispose de plus de 19 ETP par groupe de 100 étudiants et consacre plus de 22 K€/an/étudiant voit sa masse salariale augmenter de 4,4 M€ alors que tel autre qui n’a que 5,22 ETP par groupe de 100 étudiants et consacre plus de 5,7 K€/an/étudiant voit sa masse salariale baisser. La logique de répartition des moyens est-elle celle de Don Salluste dans la folie des grandeurs qui explique que : « Les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches très riches » ?
Plus sérieusement, pourquoi certains établissements bénéficiant d’un encadrement au dessus de la moyenne nationale voient une augmentation importante de leur masse salariale alors que d’autres en dessous de la moyenne voient leur masse salariale diminuée ?
Comment demander alors aux membres du CNESER d’émettre un avis éclairé sur cette répartition ? Cela n’est guère respectueux de cette instance et de celles et ceux qui y siègent. Quel est le sens de notre vote ? Même s’il était favorable quelle valeur aurait-il dans ces conditions puisque nous aurions voté les yeux fermés.
Sup’Recherche-UNSA demande que :
- l’on travaille à des critères objectifs permettant à la communauté universitaire de comprendre les raisons cette répartition des crédits pré-notifiés ;
- soit créé au sein du CNESER comme c’est le cas dans les universités, une commission des finances (on peut l’appeler autrement, peu importe le nom) qui serait réunie en octobre novembre chaque année et qui serait le lieu d’explication, d’échanges avec les élus du CNESER, d’un travail de concertation social réel. Ce qui nous est proposé aujourd’hui n’a pas vraiment de sens, soit nous votons les yeux fermés en faveur de cette répartition, soit contre mais pas forcément contre la répartition mais contre une insuffisance budgétaire.
Sup’Recherche-UNSA n’est jamais dans une position de défiance à priori vis-à-vis de ses partenaires dans la négociation sociale, mais, « la confiance n’exclut pas le contrôle ».