Rejeter et dénoncer un accord mais participer au comité de suivi : une étrange conception du syndicalisme

Par ordonnance du 9 mars 2021 le tribunal administratif de Paris enjoint au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche d’inviter la FERC CGT aux réunions du comité de suivi de l’accord du 12 octobre 2020 relatif à l’amélioration des carrières et des rémunérations.

Pour l’UNSA Éducation nous prenons acte de cette décision mais elle est révélatrice de toute la contradiction des requérants. En effet, comment peut-on d’un côté s’exprimer avec force contre l’accord proposé, le dénoncer avec virulence et d’un autre côté vouloir être associé de près à sa mise en œuvre.

S’il est évident que l’ensemble des organisations représentatives doivent pouvoir discuter des textes sur l’évolution des carrières et donner leur avis, l’existence d’un comité de suivi avec les signataires est tout à fait légitime. Les organisations syndicales majoritaires qui ont signé cet accord se sont engagées pour obtenir des avancées concrètes pour les personnels. Elles ont fait et continueront à faire des propositions dans le cadre des évolutions prévues par l’accord du 12 octobre 2020 et elles veulent pouvoir en suivre précisément la mise en œuvre.

L’UNSA Éducation et ses syndicats continueront à demander un suivi exigeant du protocole entre les organisations signataires et le ministère.

Ivry sur Seine, le 12 mars 2021,

Frédéric MARCHAND,
Secrétaire général de l’UNSA Éducation

Jean-Marc BŒUF,
Secrétaire général A&I-UNSA

Jean-Pascal SIMON,
Secrétaire général Sup’Recherche-UNSA

Martine SAMAMA,
Secrétaire générale UNSA ITRF.Bi.O




Une ministre ne devrait jamais dire ça…. 

Communiqué de presse du jeudi 17 février 2021

On raconte qu’un jour un disciple vint trouver Socrate :
– Maître, j’ai quelque chose à te raconter… C’est au sujet d’un de tes disciples… 
– Arrête ! l’interrompt Socrate. As-tu d’abord pris soin de passer cette histoire à travers les 3 tamis ? 
Socrate lui demanda si ce qu’il voulait lui rapporter était vrai, si c’était quelque chose de bon et si cette information pouvait être utile. Son disciple lui ayant répondu qu’il n’était pas sûr que la chose fût vraie, bonne ou utile, Socrate lui dit en souriant « si ce que tu as à me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfère ne pas le savoir. Et quant à toi, je te conseille de l’oublier… »

Appliquons les trois tamis de Socrate aux propos tenus par Frédérique Vidal : « Moi je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble, et que l’université n’est pas imperméable, l’université fait partie de la société ».

Est-ce vrai ?

Sur le plan conceptuel, le terme « islamo-gauchisme » est largement discuté et souvent utilisé par ceux qui revendiquent le « parler-vrai » et qui renforcent les tendances identitaires dans notre société. F. Vidal argüant que « certains universitaires se disent empêchés de mener leurs recherches » minimise son propos et reconnait que ceux qui utilisent leur titre pour « porter des idées radicales » sont minoritaires. Elle ajoute qu’« en biologie cela fait bien longtemps que l’on sait qu’il n’y a qu’une espèce humaine et qu’il n’y a pas de races ». Si le concept de race humaine n’existe pas en biologie, l’idée de race n’a pas pour autant disparu des problématiques des sciences sociales. Il est réducteur de penser que la question est close au prétexte qu’une science y a répondu, dans son domaine.

Est-ce bon ?

Cela fait des mois que les universitaires se dépensent sans compter pour assurer la continuité du service public de l’enseignement supérieur. La plupart sont épuisés. Est-ce pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant-chercheur que l’on stigmatise des pans entiers de la recherche ? Plutôt que d’une enquête pour « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion », Sup’Recherche-UNSA estime que les enseignants-chercheurs et la communauté universitaire ont besoin d’un soutien de leur tutelle et non de sa défiance.

Alors est-ce utile de relancer la polémique ?

Certains pourront penser qu’il y a des visées politiques à relancer cette polémique. Nous faisons clairement la différence entre notre syndicalisme qui construit et l’action politique qui vise à gagner ou se maintenir au pouvoir.

Sup’Recherche-UNSA exhorte le ministère et le gouvernement à cesser les discours éristiques qui conduisent à la division. Dans les universités on sait conduire des débats heuristiques apaisés, qui sans viser au consensus radical, permettent au moins de poser consensuellement ce qui fait dissensus. Il y va de la paix sociale et du vivre ensemble. 




Propositions de l’UNSA education pour la présidentielle 2022




Mise en place du comité de suivi pour la mise en œuvre de l’accord «rémunérations et carrières»

Sup’Recherche – UNSA a participé, lundi 1er février 2021, avec l’UNSA éducation les deux autres syndicats de l’ESR : A&I-UNSA et UNSA-ITRF-BiO à l’installation du comité de suivi du protocole d’accord “revalorisations et carrières” l’accord signé le 12 octobre dernier à Matignon en présence du Premier Ministre.

Des semaines de négociations et des heures de dialogue ont porté leurs fruits. Voici quelques mesures prévues pour les Chercheurs, Enseignants-Chercheurs et Enseignants :

  • une augmentation de 1250 € à 6 400 € de la prime des Enseignants-Chercheurs, de 990€ à 6 400€ pour les chercheurs d’ici à 2027, une enveloppe de 25,5 M€ pour revaloriser la prime des PRAG-PRCE-PREC.
  • l’accès à la Hors Echelle B des Chargés de Recherche ;
  • 2000 promotions supplémentaires pour les maîtres de conférence en professeurs d’université par une voie réservée et avec un rapport qui passe à 40 %de PU et 60 % de Mcf (30% – 70% aujourd’hui).

Sup’Recherche-UNSA avait demandé qu’au moins un tiers des promotions annoncées soient mises en œuvre dès la première année, nous avons été largement entendus puisque la ministre s’est engagée, aujourd’hui à prévoir 800 promotions de MCf en PR dès 2021 pour une prise de fonction en 2022.

Toutefois, nous regrettons, et nous l’avons fait savoir à la Ministre, la manière dont a été prise la décision de supprimer la qualification de Maitres de Conférences titulaires. Déjà en 2019, elle avait annoncé une concertation sur cette question avec les Organisations Syndicales. Dans un courrier, le 9 décembre dernier elle nous écrivait encore qu’un “travail de réflexion collective est un préalable avant l’édiction de toute mesure de mise en œuvre de cet article [l’article 5 de la LPR].” force est de constater que cet article est déjà partiellement appliqué puisque les MCf candidats à la qualification ont reçu un courrier, début janvier, leur indiquant qu’ils étaient dispensés de la qualification. Il est urgent de lancer cette réflexion et nous attendons que l’ensemble des mesures de revalorisations soient mises en œuvre aussi rapidement que la suppression de la qualification !

L’engagement de Sup’Recherche-UNSA dans un dialogue constructif a payé. Plutôt que de refuser en bloc ce qui est proposé au motif que ce n’est pas assez, nous avons réussi à peser, à faire entendre notre voix et obtenir des avancées pour toutes et tous. 

Lien vers le communiqué de presse commun




L’UNSA, le SGEN-CFDT, le SNPTES et la FAGE demandent un rdv en urgence à F. Vidal

La crise sanitaire révèle l’insuffisance chronique du financement que l’Etat accorde aux universités. A plusieurs reprises nous avons dit à la Ministre que la loi de Programmation de la Recherche n’apportera aucun moyen nouveau pour les université. Au mieux, elle permettra un rattrapage des rémunérations et carrières. Il faut donc un plan massif d’investissement pour la formation initiale et continue des universités.

Entre 2012 et 2018, les effectifs étudiants ont augmenté dans les universités de presque 300 000 soit l’équivalent de dix universités de taille moyenne comme celle de Nice. Dans le même temps, le nombre d’enseignants-chercheurs a dramatiquement diminué : la France a perdu 1108 maîtres de conférences et professeurs d’Université de 2012 à 2018 (l’équivalent d’une université de taille moyenne). Le budget 2021 est sur ce plan sans ambition !

Aussi, à la veille de la journée de mobilisation du 26 janvier, L’UNSA le Sgen-CFDT et le SNPTES qui représentent plus de la moitié des sièges au Comité technique ministériel de l’Enseignement supérieur et la Fage est la première organisation étudiante ont demandé un rendez-vous en urgence afin d’échanger sur la situation des universités.

Un plan de relance pour les missions d’enseignement et de formation des sera au final moins cher que le serait le coût économique et social de l’échec et des difficulté d’insertion professionnelle rencontrés par les étudiants.

Lien vers le courrier intersyndical.




Sup’Recherche-UNSA et la CPU proposent une réforme de la mutation des EC

Depuis de nombreuses années Sup’Recherche-UNSA se bat pour faire évoluer les règles encadrant la mutation des Enseignants-Chercheurs et notamment pour le rapprochement de conjoint.

Les retours de terrains ont montré que, dans ce dernier cas, les Conseil académiques (CAC) en formation restreinte préfèrent ne pas utiliser les dispositions réglementaires prévues pour le rapprochement de conjoint ou la mutation et privilégient au contraire un recrutement classique avec mise en concurrence des candidats devant le Comité de sélection (COS).

Cette situation a mis en souffrance bon nombres de collègues, c’est pourquoi Sup’Recherche-UNSA et la Conférence des Présidents d’Université (CPU) ont engagé depuis quelques temps un échange pour proposer un changement des pratiques et pour faire bouger les lignes.  

A l’issue de ce dialogue, un consensus a été trouvé pour favoriser les mutations via un mouvement spécifique et distinct de la campagne synchronisée de recrutement.

Là encore notre syndicalisme de dialogue a porté ses fruits, et mardi 19 janvier 2021 nous avons envoyé un courrier cosigné CPU – Sup’Recherche-UNSA à Frédérique Vidal.

Voici les grands principes vers lesquels nous avons convergé :

Tout poste ouvert au concours est susceptible d’être pourvu à la mutation ou au recrutement.

  • Il existe deux voies :
    • La mutation, prioritaire ou non, qui a lieu dans un premier temps.
    • Le recrutement, dans un second temps, si la mutation n’a pas abouti.
  • Le comité de sélection intervient dans les deux voies.

Cet accord entre la CPU et Sup’Recherche-UNSA est une avancée significative. Nous allons maintenant poursuivre le dialogue avec le cabinet et les organisations syndicales qui souhaitent nous rejoindre dans l’intérêt de nos collègues.

Retrouver la lettre commune Sup’Recherche UNSA – CPU à Madame la Ministre Frédéric Vidal




CNESER du mardi 12 janvier 2021

Lors du CNESER du 12 janvier, nous avons rappelé au ministère la détresse de la communauté universitaire. Enseignants et étudiants n’en peuvent plus des cours en ligne, d’autant qu’aucune perspective de reprise ne s’offre à eux. Nous avons demandé que les établissements reprennent au plus vite des enseignements en présentiel pour le plus grand nombre, dans le respect des précautions sanitaires bien sûr. On ne peut se satisfaire que seuls les “étudiants les plus fragiles” puissent sur convocation bénéficier d’activités de soutien ! Il en est en difficulté dans toutes les filières depuis la licence, en master ou en doctorat. Enfin, nous ne comprenons pas la différence de traitement entre les étudiant et étudiantes en STS et CPGE et ceux et celles des filières universitaires… tous doivent bénéficier des mêmes conditions d’études !

Parmi les textes étudiés un projet de décret visant à modifier les conditions dans lesquelles un étudiant qui n’a pas de réponse positive à ses demandes d’admission en première année de master peut saisir le Recteur. Ce texte est révélateur d’améliorations à mettre en place dans l’articulation entre la licence, le master et le doctorat. Il montre que l’État ne s’est pas donné les moyens (euphémisme) d’accueillir dignement les étudiants de notre pays. Le problème rencontré en 2020 avec plus du doublement de saisines et les difficultés rencontrées par les recteurs pour faire des propositions aux étudiants ne peut pas être résolue par un simple texte. La question doit être abordée de manière plus globale avec une vision des choses plus large : ne réfléchissant sur les licences notamment leur dimension professionnelle et l’insertion professionnelle… Il faut régler les problèmes des étudiants à trouver un master, la solution n’est pas un durcissement des conditions de saisine.

C’est dans cette perspective que nous avons déposé les deux amendements qui ont été repris. Le premier visait à supprimer la possibilité au Recteur de proposer une formation diplômante de 2e cycle qui ne conduirait pas au master. Nos arguments ont conduit l’administration à reprendre notre amendement. Le second en lien avec le premier prévoyait que les formations proposées puissent aboutir à ce que les droits d’inscription de la formation proposée puissent être de 50 % aux droits d’inscription en master… là encore nous avons obtenu gain de cause.

Ce texte existait avant cette séance… s’opposer en bloc n’aurait conduit qu’au maintien de ces mesures … notre syndicalisme de proposition a encore porté ses fruits.

Lien vers la déclaration liminaire

Un CR plus détaillé sera diffusé dans notre prochaine lettre aux adhérents.




Un budget sans ambition !

Communiqué de presse, Ivry-sur-Seine le 15/12/2020

Un budget sans ambition !

de la non défense et non illustration du budget de l’ESRI…

Le budget de l’ESRI a été présenté au CNESER du 16 décembre pour avis, mais en l’absence de la ministre !  Les syndicats, unanimes, avaient demandé et obtenu le report de l’avis sur le budget de l’ESR espérant que la Ministre présenterait et défendrait son budget devant le CNESER. Or, il n’en fut rien … Pour Sup’Recherche – UNSA, il est incompréhensible que la ministre ne vienne pas, en personne, défendre son budget devant la représentation universitaire. Le vote d’un budget est un moment important dans la vie d’une institution et surtout l’occasion d’un échange politique entre les partenaires sociaux. Au lieu de cela nous avons eu une présentation technique … en conséquence notre intervention a été courte puisqu’aucune réponse politique ne pouvait nous être apportée.  

On peut se féliciter des financements de la rénovation thermique des bâtiments des universités, cependant, pour Sup’Recherche-UNSA, ce budget, en termes de fonctionnement est pire que celui de l’année dernière qui ne préfigurait déjà pas la LPPR.  […] lire la suite 

L’effondrement du nombre d’enseignants-chercheurs



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enseignants-chercheurs titulaires

La France a perdu 1108 maîtres de conférences et professeurs d’Université de 2012 à 2018.

Soit la disparition des enseignants chercheurs d’une université comme l’Université Côte d’Azur (ex. Nice Sophia Antipolis).

La précarité pour compenser


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enseignants-chercheurs non permanents

Pour compenser cette dramatique baisse d’enseignants chercheurs, on constate une augmentation de plus de 2156 postes d’enseignants chercheurs non permanents, comme les ATER par exemple.

L’explosion du nombre d’étudiants!


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étudiants en France

Alors que nous perdions 1108 enseignants chercheurs titulaire, les universités accueillaient quasiment 300 000 étudiants de plus! 

Cela correspond à 10 universités comme celle de l’Université Côte d’Azur (ex. Nice Sophia Antipolis). 

Comment les universités peuvent-elles continuer leur missions dans ce contexte! La charge d’enseignement explose et impacte très négativement le temps disponible pour la recherche… 

Sources : Rapports “l’état de l’emploi scientifique en France” du  MESRI




Communiqué de Presse “journée de mobilisation pour la défense de l’ESRI et des libertés”

Sup’Recherche – UNSA invite à participer
à la “journée de mobilisation pour
la défense de l’ESRI et des libertés
” du 10 décembre 2020

 

Dans un courrier du 1er décembre 2020, F. Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, remercie, une fois encore les personnels pour leur engagement dans cette période de crise sanitaire. Plus que de remerciements, les personnels attendent des actes concrets de la part du gouvernement comme :

  • Répondre à la détresse des étudiants en rouvrant les campus aux étudiants dès que possible dans le respect des consignes sanitaires.
  • Mettre à disposition pour les étudiants et les personnels de tests antigéniques pour détecter le plus rapidement possible les cas de COVID+.
  • Retrouver les conditions d’un dialogue social apaisé en revenant sur des dispositions prises sans aucune concertation avec les organisations syndicales.
  • Cesser de remettre en cause du CNU en rétablissant la qualification.
  • Retirer des dispositions sécuritaires inutiles qui ne font que mettre de l’huile sur le feu.

Sup’Recherche-UNSA dénonce aussi que, par glissements progressifs, la LPR soit devenue une loi de dérégulation l’ESRI. Ce dont l’ESRI a besoin c’est d’une programmation apportant des « moyens massifs et inédits » comme se plait à le dire notre ministre, tant pour la recherche que pour la formation.

Nous demandons le retour à une programmation sur 2021-2027 en cohérence avec le programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe ».

Nous demandons, dès janvier 2021, des signes forts de l’action du ministère notamment que :

  • 1/3 des 2000 possibilités de devenir professeurs par une voie d’accès réservée soient ouvertes dès 2021 en donnant au CNU un rôle central dans le processus ;
  • les collègues constatent sur leur fiche de paye que la PRES est doublée ;
  • les budgets 2021 des laboratoires sont effectivement augmentés de 10% ;
  • il soit mis fin aux gels de postes en attribuant aux universités une masse salariale qui leur permette de mettre au recrutement tous les postes vacants.

Sup’Recherche-UNSA n’est pas adepte du « concert médiatique » et préfère la discussion à l’opposition. Nous attendons maintenant que les annonces soient suivies d’effets.

Sup’Recherche-UNSA appelle ses adhérents et sympathisants à soutenir la journée d’action du jeudi 10 décembre sur la base de ces revendications. 

Nous demandons, dès janvier 2021, des signes forts de l’action du ministère notamment que :

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0
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des 2000 possibilités de devenir Professeurs doivent ouvrir dès 2021 en donnant au CNU un rôle central dans le processus
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sur les budgets des laboratoires
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de la Prime PRES dès janvier sur les fiches de paye
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Gel de poste, en attribuant aux universités une masse salariale qui leur permette de mettre au recrutement tous les postes vacants.




LPR : points clés sur la non-constitutionnalité des amendements déposés par les sénateurs

Des amendements, soutenus par le gouvernement, ont été ajoutés à la LPRIls prévoient une pénalisation du fait de « pénétrer dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement (…) dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement » et de permettre des « dérogations à la nécessité d’être qualifié » pour le recrutement des MCF ou PR. 

Délit d’entrave ? 

  • Le texte semble être un cavalier législatif (amendement qui n’a aucun lien avec le projet ou la proposition de loi) 
  • Cet amendement ne respecterait pas le principe de la légalité (la notion de « bon ordre » est trop floue). 

Suppression de la qualification par le CNU : rupture d’égalité ? 

  • Comme le texte est issu d’un amendement, il n’a pas pu faire l’objet d’une étude d’impact. 
  • Le texte porte possiblement atteinte au principe d’indépendance des professeurs d’université (Il s’agit d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qui fait partie du bloc de constitutionnalité). 
  • Il y aurait une possible violation de l’égalité d’accès aux emplois publics et de l’égalité de carrière qui en découle. 

Pour aller plus loin, vous pouvez lire notre argumentaire juridique détaillé ci-dessous 

 

Sur le délit d’entrave

I Sur le délit d’entrave 

A Moyen de constitutionnalité externe 

Le texte présente les caractères d’un cavalier législatif. En effet le Conseil Constitutionnel (CC) invalide les dispositions d’une loi qui sont “sans lien avec le texte en discussion” ; actuellement la jurisprudence de référence est CC 19 janvier 2006  2006-532 DC (Déclaration de conformité). Il faudra apprécier en fonction notamment du titre actuel de la loi, qui a été étendu lors du passage en Conseil d’Etat, pour plaider le caractère de cavalier législatif ou non. Il est possible s’appuyer notamment sur l’exposé des motifs du texte.  

B Moyens de constitutionnalité interne, violations de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 

Texte en cause “Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement, est passible des sanctions définies dans la section 5 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal. ” Deux moyens semblent s’offrir.   

D’une part la question du principe de légalité.  

Le principe est que le législateur doit donner les éléments constitutifs d’une infraction dans des termes « suffisamment clairs pour exclure l’arbitraire » (principe de clarté et de précision de la loi pénale, depuis la décision sécurité et liberté en janvier 1981).  Le conseil est très vigilant sur ce point et s’il admet que la loi pénale puisse être éclairée par des textes réglementaires voire européens, il n’a jamais évidemment prévu que le principe de légalité puisse être satisfait par un appel à une circulaire complémentaire.   

La notion de bon ordre semble bien floue. Elle existe dans le Code des communes. Mais au pénal, elle n’intervient pas, à notre connaissance, dans l’élément matériel constitutif d’autres infractions, ce qui permettrait au citoyen d’en connaître le sens précis. Elle rappelle certes la notion d’ordre public qui est habituellement employée, dans des expressions telles que le trouble à l’ordre public : par exemple, l’attroupement dans le but de troubler l’ordre public (issu d’une loi de 2012), qui a d’ailleurs fait l’objet d’une QPC. Celle-ci n’a certes pas passé le filtre de la Cour de cassation : mais la notion d’attroupement est définie par le texte, et celle d’ordre public est un concept juridique éprouvé auquel il est possible de donner un sens.  

A contrario, le « bon ordre » se réfère à un état des choses relatif, qui paraît dépendre d’une règlementation intérieure (ainsi on utilise l’expression « bon ordre d’un établissement scolaire » dans la qualification qui sert de référence précisément pour la pénalité : art.431-22 et s.). Or aucune référence n’est faite à une quelconque règlementation qui serait, par exemple, un règlement intérieur d’une université. Le juge n’a donc pas de balise lui permettant de mesurer l’écart entre le trouble (d’ailleurs non réel mais seulement projeté), et l’état « normal » de fonctionnement de l’institution. On pense évidemment à l’interruption intempestive d’un cours ou d’une manifestation scientifique, d’une occupation (qui est déjà visée par les textes auxquels nous faisons référence) 

En outre, si l’on regarde de près, cette expression n’intervient pas dans l’élément matériel, mais il constitue le dol spécial (le but recherché par l’auteur de l’infraction). ». Cette intention nous semble être une forme d’« animus hostilis », telle qu’on peut la rencontrer dans certaines infractions à la sécurité publique, ainsi l’espionnage (cf fasc Jurisclasseur Jean-François Dreuille)  

Cependant, chaque fois qu’un dol spécial est défini, il devrait être caractérisé – pour répondre aux exigences de la légalité mais aussi de la matérialité – par un ou plusieurs faits matériels. A défaut, un risque d’interprétation arbitraire existe. Il conviendrait donc de demander au législateur d’insérer, à tout le moins, cette exigence de faits matériels que le juge devrait relever pour admettre l’intention de troubler ce fameux « bon ordre. 

   

D’autre part, nous proposons aussi d’aller chercher dans le principe de nécessité/proportionnalité des peines.  

S’il existe déjà une infraction similaire punie par une peine moindre, quelle est la nécessité dans ce cas précis de prévoir une peine supérieure ?   

En outre, il est intéressant de relever quelques incriminations où l’on retrouve comme élément constitutif une intrusion menaçante ou potentiellement perturbatrice d’un intérêt fondamental : 

  • Intérêt national d’abord : l’intrusion sans autorisation dans un établissement intéressant la défense nationale ne vaut que six mois d’emprisonnement ; trois ans d’emprisonnement sanctionnent l’entrave au fonctionnement normal des services, dans le but de nuire à la défense nationale (art. 413-7 et 6): peut-on considérer comme équivalents une entrave caractérisée au fonctionnement et à la protection du matériel et des secrets de la défense, et une intrusion en réunion (= à plusieurs) dans un établissement sans même la caractérisation de quelconques violences ni dégradations (notons que la peine passe à cinq ans si l’auteur détient une arme) ? Un an aussi pour « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation ou d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale » : l’on relèvera la précision de ce dernier texte, qui contraste fortement avec celui qui nous occupe ; et les troubles qu’il sanctionne sont-ils moins graves ? 

L’assimilation avec l’intrusion dans un établissement scolaire ne prend pas en compte la présence d’enfants et de mineurs, plus fragiles.   

  • Intérêt privé ensuite, avec la protection du domicile, valeur essentielle (protégée par la CESDH en son article 8), dont la violation ne coûte qu’un an d’emprisonnement (art. 226-4).  

 

Il faut rappeler fermement que « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (art. 5DDHC): qui d’autre que le Conseil constitutionnel peut mieux remettre en vigueur cet article, que met en cause la multiplication contemporaine des incriminations redondantes, ou basée sur des faits trop précoces dans le cheminement criminel (iter criminis) pour que l’on puisse parier hâtivement sur leur nocivité potentielle. « Ne réprimer ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est utile », écrivait Beccaria. Le Conseil constitutionnel est le gardien de cette double mesure.  

 

En ce qui concerne la dérogation à la procédure de qualification par les CNU 

II En ce qui concerne la dérogation à la procédure de qualification par les CNU 

A Moyen de constitutionnalité externe.  

Issu d’un amendement, te texte n’a pas pu faire l’objet d’une étude d’impact. 

B Moyens de constitutionnalité internes 

La violation du principe d’indépendance des professeurs d’université (Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : PFRLR) dont le CNU instance nationale impartiale constitue une garantie.  

La violation d’un éventuel PFRLR. Il sera intéressant de noter que des membres éminents de la doctrine considèrent que le principe de qualification peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République /. Lire : madame la professeure V. Champeil Desplats : « Et si l’exigence de qualification nationale pour accéder aux corps des enseignants-chercheurs était un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? » , Revue des droits de de l’homme novembre 2020. Disponible sur https://doi.org/10.4000/revdh.10618 

La violation de l’égalité d’accès aux emplois publics et de l’égalité de carrière qui en découle (article 6 DDHC).  Il serait intéressant d’établir des comparaisons avec la situation des magistrats qui présente des problématiques de carrière assez similaires. Par exemple, quand il s’est agi de créer des voies de recrutement multiples pour l’ENM, le 14 janvier 1983, le Conseil a pointé du doigt les nécessaires garanties dans le déroulement de la carrière pour les magistrats ainsi recrutés par voie parallèle. La crainte sera donc des voir des perspectives de carrière à plusieurs vitesses selon les modes de recrutements.  Faire valoir un risque inégalitaire serait sans doute possible puisque le principe joue ” à l’intérieur d’un même corps”. Il est vrai que le conseil a admis une exception pour les enseignants chercheurs mais seulement parce qu’elle était transitoire (CC 6 aout 2010 2010 20 21 QPC – question prioritaire de constitutionnalité). L’inconstitutionnalité sur ce fondement a été reconnue pour le recrutement des praticiens hospitalier (CC 297 DC, 29 juillet 1991).  

Enfin nombre de collègues juristes manifestent leur intention d’adresser au Conseil des mémoires selon la technique de ce que l’on appelle les “portes étroites”, en marge des saisines parlementaires une fois ces dernières déposées.   

 

Pour Sup’Recherche-UNSA,  

Isabelle Moine-Dupuis (MCF HDR, Droit privé, Université de Bourgogne-Franche Comté) et Virginie Saint- James (MCF HDR, Droit public, Université de Limoges).