La réforme des retraites impactera significativement l’ESR

La réforme des retraites impactera significativement l’ESR

Il est courant d’entendre dire que la réforme des retraites que le gouvernement veut imposer aux Françaises et Français ne changera pas la donne pour les enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs, car beaucoup partent déjà à 64 ans ou plus. C’est une vision simpliste de la chose.

Quelles conséquences ?

Un recul de l’âge du départ en retraite et une baisse des pensions

Il ne faut pas oublier celles et ceux qui peuvent, dès maintenant, prendre leur retraite avant 64 ans : en 2019, ce sont 20 % des enseignants-chercheurs qui sont partis à la retraite à 63 ans ou moins, 5 % dans la filière hospitalo-universitaire et 46 % des enseignants des 1er et 2d degrés affectés dans l’ESR[1].

Les autres seront également touchés, car l’augmentation du nombre de trimestres à valider va les conduire à repousser leur âge de départ. La possibilité pour les fonctionnaires de différer leur retraite jusqu’à 70 ans va conduire celles et ceux qui ont une carrière incomplète à demander à leur employeur de poursuivre jusqu’à cet âge pour valider un maximum de trimestres. Si les universités refusent cette demande, ces retraités de l’ESR partiront avec une pension diminuée.

Burn-out et « quiet quitting »

On peut craindre que certains personnels, vu le manque de considération de l’État, vont « démissionner silencieusement ». Ils/elles ne voudront plus effectuer les tâches non rémunérées, non reconnues ou sous-estimées. Une enquête de Nature montre que beaucoup de chercheurs disent avoir fortement réduit leur participation aux conférences, leurs efforts en matière d’évaluation par les pairs, leur participation à des comités, etc.

On peut donc se demander si les collègues vont continuer à surinvestir et on peut craindre une aggravation d’une situation déjà très dégradée. Les universités ne peuvent accueillir les étudiants toujours plus nombreux avec des moyens qui stagnent.

Moins de postes aux concours et baisse de l’attractivité

Dans une tribune sur AOC (Analyse Opinion Critique), l’économiste Philippe Askenazy explique que la réforme des retraites, si elle est mise en œuvre, fera diminuer le nombre de postes qui seront mis aux concours. Outre un départ plus tardif pour toutes et tous, les établissements pourront accéder aux demandes de poursuite jusqu’à 70 ans et proposer aux « jeunes » retraités de l’ESR un cumul emploi-retraite qui pourrait ainsi « améliorer leur pension » avec quelques heures de vacation ! Alors que le SIES prévoyait une augmentation du nombre de postes au concours du fait de la démographie des personnels, dont beaucoup ont entre 55 et 64 ans (20 % des MCF et 41 % des PU[2]), on peut prédire que cet espoir pour les jeunes chercheurs, docteurs qui enchaînent des CDD dans l’attente d’un poste ne sera pas au rendez-vous.

Autre effet prévisible : on sait que dans certains domaines, l’attractivité de la fonction publique, déjà en berne face au privé (p.e. pharmacie, informatique, etc.), va encore s’affaiblir.

L’ensemble de la communauté sera impactée

Il faut donc dépasser l’idée simpliste que la réforme des retraites, imposée par le gouvernement au détour d’une loi de finances rectificative, aura un impact faible sur l’enseignement supérieur et à la recherche. Les personnels en poste vont devoir travailler plus longtemps pour une pension plus faible. Les jeunes chercheurs entreront encore plus tard dans la carrière et in fine, n’atteindront jamais les minimums requis pour une pension complète. Enfin les étudiants seront les victimes de cette dégradation des conditions de travail de leurs enseignants.

Sources :

[1] voir les fiches démographiques 2020-21 des sections CNU ici : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/fiches-demographiques-des-sections-du-conseil-national-des-universites-cnu-83047

[2] Source : Bilan social 2019-20 page 157. En ligne : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022-01/bilan-social-2019-2020-16241.pdf

Crédit de l’image d’illustration : Image de andreas sur Freepik